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Publication de l’ordonnance réformant le droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
17/09/2021
Prise en application des articles 60 et 196 de la loi PACTE du 22 mai 2019, l’ordonnance portant modification du livre VI du code de commerce s’inscrit dans un double objectif : d’une part, aménager les dispositions relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés et, d’autre part, adopter les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) n° 2019/1023 du 20 juin 2019 dite « restructuration et insolvabilité » ; cette transposition préserve pour l’essentiel les principes et pratiques du droit français en la matière. Sauf exception, les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2021 ; elles ne sont pas applicables aux procédures en cours à cette date.
L’ensemble des articles du code de commerce modifiés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 sont récapitulés par chapitres, suivant le plan du livre VI du code :
— dispositions relatives à la prévention des difficultés des entreprises (ord., art. 2 à 10) ;
— dispositions relatives à la sauvegarde et à la sauvegarde accélérée (ord., art. 11 à 38) ;
— dispositions relatives au redressement judiciaire (ord., art. 39 à 50) ;
— dispositions relatives à la liquidation judiciaire (ord., art. 51 à 64) ;
— autres dispositions (ord., art. 65 à 70).
 
Mais c’est dans le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance que l’on trouve une analyse détaillée des nouvelles mesures (rapport, prés. Rép., 15 sept. 2021, NOR : JUSC2127016P, JO 16 sept.), dont les principales sont présentées ci-après.

I. Modification des règles du livre VI du code de commerce relatives aux sûretés
 
Sur le fondement de l’article 60 de la loi Pacte (L. n° 2019-486, 22 mai 2019), sont simplifiées, clarifiées et modernisées les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du code de commerce, en particulier dans les procédures collectives.
 
A. Sort des sûretés avant l’ouverture de la procédure collective
 
On relèvera en matière de conciliation :
— l’amélioration du sort du garant – personne physique ou personne morale – du débiteur dans le cadre de la procédure de conciliation (art. 7 ; C. com., art. L. 611-10-2, al. 1, mod.) ;
— la possibilité pour les parties à l’accord de préciser notamment le sort des garanties prises dans ce cadre, en cas de caducité ou de résolution (art. 8 ; C. com., art. L. 611-10-4, nouv.).
 
Par ailleurs, en ce qui concerne la période suspecte, est à signaler la modernisation du régime des nullités de plein droit, et ce pour améliorer la protection du gage commun des créanciers (art. 50 ; C. com., art. L. 632-1, mod.).
 
B. Sort des sûretés après l’ouverture de la procédure collective : application du régime juridique propre au droit des entreprises en difficulté
 
Plusieurs dispositifs sont aménagés ; par exemple :
— possibilité pour le juge-commissaire d’autoriser la constitution de toute sûreté réelle conventionnelle ainsi que le paiement du transporteur en cas d’action directe de celui-ci (art. 15 ; C. com., art. L. 622-7, mod) ;
— vente d’un bien grevé d’une sûreté réelle spéciale ou d’une hypothèque légale au cours de la période d’observation (art. 16 ; C. com., art. L. 622-8, mod.) ou en présence d’un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal (art. 34 ; C. com., art. L. 626-22, mod.) ;
— extension de la règle de l’arrêt et de l’interdiction des procédures d’exécution et interdiction, résultant du jugement d’ouverture, de tout accroissement de l’assiette d’une sûreté réelle conventionnelle ou d’un droit de rétention conventionnel (art. 19 ; C. com., art. L. 622-21, mod.) ;
— conditions de déclaration des sûretés, portant dorénavant sur l’assiette et non plus seulement sur leur nature (art. 20 ; C. com., art. L. 622-25, mod.) ; sanction de l’inopposabilité au débiteur en cas de défaut de déclaration (art. 21 ; C. com., art. L. 622-26, mod.) ;
— en ce qui concerne les garants pour autrui : déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel (art. 23 ; C. com., art. L. 622-34, nouv.) ; en cas de poursuites, non-opposabilité de l’état des créances s’il n’y a pas eu notification de la décision d’admission (art. 26 ; C. com., art. L. 624-3-1, mod.) ;
— cohérence des règles relatives aux garants personnes physiques en procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire (art. 43 ; C. com., art. L. 631-14, mod.) ;
— nouveau privilège pour l’apport d’argent frais en procédure collective, prévu par l’article 60 de la loi Pacte (art. 18, 28, 31, 33, 36 et 62 ; régime défini par les articles L. 622-17, L. 626-2, L. 626-10, L. 626-20 et L. 643-8 modifiés du code de commerce) ;
— transmission au cessionnaire de la charge des sûretés garantissant le remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le financement d’un bien sur lequel portent ces sûretés (art. 57 ; C. com., art. L. 642-12, mod.) ;
— synthèse des règles de classement des créances en liquidation judiciaire (art. 62 ; C. com., art. L. 643-8, mod.), ce qui permet de clarifier l’ordre des sûretés en cas de réalisation des actifs du débiteur.
 
Cf. également l’ordonnance portant réforme du droit des sûretés du même jour (Ord. n° 2021-1192, 15 sept. 2021, JO 16 sept.).

II. Transposition de la directive « restructuration et insolvabilité » et mise en cohérence des procédures du livre VI du code de commerce avec les nouvelles règles
 
Ainsi que le souligne le rapport au président de la République, la directive (UE) n° 2019/1023 du 20 juin 2019 "ouvrant de nombreuses options de transposition aux États membres, sa transposition peut se faire en conservant les atouts forts du droit français des entreprises en difficulté et la diversité des outils mis à la disposition des praticiens. Des choix, conformes aux principes de ce droit, ont pu être faits dans le respect du droit européen".
 
A. Cadre de restructuration préventive
 
Ce cadre a pour caractéristiques essentielles l’application d’un principe de suspension des poursuites individuelles et l’organisation des créanciers en classes. Son introduction en droit français entraîne la modification de plusieurs procédures.
 
1. Constitution de classes de parties affectées (art. 37)
 
Tous les comités de créanciers existants (sont visées les procédures de sauvegarde, de sauvegarde accélérée et de redressement judiciaire) sont remplacés par un système de classes de créanciers et, plus généralement, de classes de « parties affectées » ; outre les créanciers, sont ainsi concernés les associés, actionnaires et autres détenteurs de capital.
 
La répartition des créanciers dans les classes est laissée en partie à l’appréciation de l’administrateur judiciaire sous sa responsabilité, cette répartition devant se faire sur la base de « critères objectifs vérifiables » et de l’identification d’une communauté d’intérêts suffisante.
 
La nouvelle section 3 – Des classes de parties affectées – du chapitre IV du code de commerce comprend les  articles L. 626-29 à L. 626-34, dont les conditions d’application seront définies par décret en Conseil d’État.
 
2. Procédure de sauvegarde accélérée (art. 38)
 
Le nouveau chapitre VIII – De la sauvegarde accélérée – du code de commerce, comprend les articles L. 628-1 à L. 628-8, répartis sur deux sections, dont certaines des dispositions seront précisées par décret en Conseil d’État.
 
Cette nouvelle procédure de sauvegarde accélérée a désormais une durée de deux mois, prorogeable dans la limite d’une durée totale maximale de quatre mois (C. com., art. L. 628-8, nouv.). Par ailleurs, elle ne produit d’effet qu’à l’égard des parties affectées par le projet de plan (C. com., art. L. 628-6, nouv.).
 
À noter : si les dispositions spécifiques à la procédure de sauvegarde financière accélérée n’ont plus lieu d’être, le débiteur peut toutefois demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde dont les effets sont limités aux seuls créanciers financiers (C. com., art. L. 628-1, al. 3, nouv.).
 
3. Procédure de sauvegarde (art. 13, 17, 32 et 36)
 
Dans le souci de favoriser l’objectif de célérité des procédures inscrit dans la directive, l’ordonnance réduit la durée de la période d’observation à douze mois au maximum – mais l’éventuel dépassement ne fait pas l’objet de sanction (C. com., art. L. 621-3, mod.).
 
Sont également à relever :
— la conservation du bénéfice des classes de parties affectées déjà constituées en cas de conversion de la procédure en redressement judiciaire (C. com., art. L. 622-10, mod.) ;
— le montant minimal de chacune des annuités prévues par le plan à compter de la sixième année (C. com., art. L. 626-18, al. 4, mod.) ;
— les modalités de consultation des créanciers en cas de modification substantielle du plan de restructuration (C. com., art. L. 626-26, mod.).
 
4. Procédure de redressement judiciaire (art. 39, 41, 45 et 47)
 
Dans un souci de cohérence, l’ordonnance prévoit notamment :
— les modalités d’application à cette procédure du système des classes de parties affectées (C. com., art. L. 626-29, mod.) ;
— la possibilité pour toute partie affectée de soumettre un projet de plan au vote des classes ainsi que l’adaptation des conditions de mise en œuvre de l’application forcée interclasses (C. com., art. L. 631-19, mod.) ;
— les dispositions applicables en l’absence de classes de parties affectées constituées volontairement ou obligatoirement (C. com., art. L. 631-19-2, mod.).
 
À noter : si la situation de PME est particulièrement dégradée, le procureur peut demander la prolongation de la durée de la période d’observation (C. com., art. L. 631-7, mod.).
 
5. Procédure de conciliation (art. 5)

La procédure de conciliation n’est pas une procédure de restructuration préventive au sens de la directive 2019/1023. Mais le recours à cette procédure est le préalable nécessaire à la demande d’ouverture d’une sauvegarde accélérée.
 
Afin de rendre le recours à la conciliation plus attractif, l’ordonnance permet la suspension temporaire du droit d’un créancier d’exiger le paiement d’une créance, même garantie par une sûreté (continuité de la mesure introduite par l’ordonnance « covid 19 » n° 2020-596 du 20 mai 2020, article 2). La demande de suspension est faite par voie d’assignation (C. com., art. L. 611-7, mod.).
 
B. De l’alerte précoce aux mesures d’accroissement de l’efficacité des procédures

1. Droit de communication (art. 2 et 3)
 
L’ordonnance prévoit des mesures permettant :
— au président du tribunal de commerce qui convoque un dirigeant à un entretien de détection-prévention d’obtenir plus rapidement la communication de toutes informations utiles (C. com., art. L. 611-2, mod.) ;
— l’accélération du dispositif d’alerte des commissaires aux comptes (C. com., art. L. 611-2-2, nouv.) ; le principe d’alerte précoce créé par l’ordonnance « covid 19 » n° 2020-596 du 20 mai 2020 (art. 1) est ainsi maintenu.
 
2. Droit au rebond (art. 52 et 64)
 
Alors que l’ordonnance « covid 19 » n° 2020-596 du 20 mai 2020 (art. 6) avait permis temporairement à toute personne physique d’avoir accès à la procédure de liquidation judiciaire simplifiée en l’absence de bien immobilier dans son actif, cette mesure est pérennisée (C. com., art. L. 641-2, mod.).
 
En ce qui concerne la procédure de rétablissement professionnel, l’ordonnance en élargit les conditions d’ouverture : "les biens que la loi déclare insaisissables de droit ne sont pas pris en compte pour déterminer la valeur de l’actif" (C. com., art. L. 645-1, mod.).

III. Entrée en vigueur
 
L’ordonnance entre en vigueur le 1er octobre 2021 mais ses dispositions ne s’appliqueront pas aux procédures en cours à cette date.
 
Toutefois, par dérogation, l’article 27 – relatif au paiement des sommes dues aux producteurs agricoles par leurs acheteurs – n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2022 pour prendre en compte la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance réformant le droit des sûretés susmentionnée.
Source : Actualités du droit