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Décisions de SAS et violation des statuts : une réforme des nullités à anticiper dès octobre 2025

Affaires - Sociétés, Commercial
15/09/2025

Dans les sociétés par actions simplifiées (SAS), la liberté statutaire occupe une place centrale. Les associés définissent eux-mêmes les décisions qui doivent être prises collectivement ainsi que les modalités de leur adoption. Certaines décisions, toutefois, relèvent obligatoirement de leur compétence dans les conditions prévues par les statuts, conformément à l’article L. 227-9 du Code de commerce.

Jusqu’à présent, la sanction attachée au non-respect de ces règles était claire : les décisions prises en violation de cet article pouvaient être annulées. La Cour de cassation avait d’ailleurs confirmé que l’annulation pouvait également frapper les décisions adoptées en méconnaissance de clauses statutaires étendant la compétence des associés ou fixant des conditions de majorité particulières (Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324).

Une réforme en profondeur du régime des nullités

L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2025, modifie substantiellement ce cadre. Elle abroge l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 et introduit deux nouvelles dispositions :

  • Une règle générale, applicable à toutes les sociétés, précise que la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité, sauf disposition légale contraire (C. civ., art. 1844-10, al. 4 nouveau).
  • Une règle spécifique aux SAS permet désormais aux statuts de prévoir expressément la nullité des décisions sociales adoptées en violation des règles qu’ils ont établies (C. com., art. L. 227-20-1 nouveau).

Cette réforme marque un changement majeur : la nullité ne sera plus automatique en cas de non-respect des statuts. Elle dépendra de la volonté des associés, exprimée dans une clause statutaire.

Conséquences pratiques pour les associés de SAS

À compter du 1er octobre 2025, deux situations devront être distinguées :

  • Si les statuts prévoient une clause de nullité : toute décision adoptée en méconnaissance des règles statutaires pourra être annulée sur ce fondement.
  • Si aucune clause n’existe : la décision ne pourra pas être annulée au seul motif qu’elle viole les statuts. Demeurent seulement les nullités résultant d’une violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou celles relevant du droit commun des contrats (ex. dol, absence de consentement), conformément à l’art. 1844-10, al. 3 C. civ.

L’Association nationale des sociétés par actions (Ansa) souligne que, en l’absence d’une telle clause, les décisions prises en violation des statuts ne seront pas automatiquement frappées de nullité. Les associés devront être vigilants lors de la rédaction ou de la révision des statuts.

Un enjeu stratégique pour la gouvernance

Cette réforme invite les associés à réfléchir à la portée qu’ils souhaitent donner à leurs statuts. La question de la sécurité juridique des décisions sociales devient centrale.

  • Faut-il introduire une clause de nullité pour protéger l’équilibre statutaire ?
  • Ou convient-il de limiter les risques contentieux en s’abstenant de prévoir une telle clause ?

Chaque société devra adapter la rédaction statutaire à sa gouvernance, à ses rapports de force et à son besoin de souplesse décisionnelle.

En conclusion, la réforme issue de l’ordonnance du 12 mars 2025 marque une étape importante dans l’évolution du droit des sociétés et confirme la spécificité de la SAS comme modèle contractuel. Les associés devront anticiper, avant le 1er octobre 2025, l’impact de cette nouvelle liberté statutaire sur leurs décisions collectives. La révision des statuts apparaîtra, dans de nombreux cas, comme une étape incontournable pour sécuriser la vie sociale et prévenir les contentieux futurs.