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Paris hippiques : le PMU condamné pour non-respect de ses engagements auprès de l’Autorité de la concurrence

Affaires - Droit économique
27/04/2020
À la suite d’une saisine par les opérateurs de paris en ligne Betclic et Zeturf, l’Autorité de la concurrence a sanctionné le PMU à une amende de 900 000 € pour non-respect de l’engagement pris en 2014 de séparer ses masses d’enjeux commercialisées en ligne et « en dur » pour les courses étrangères (décision n° 20-D-07 du 7 avril 2020).
Rédigé sous la direction de Claudie Boiteau, en partenariat avec le Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris-Dauphine

Le secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, dont les paris hippiques, a été ouvert à la concurrence par la loi du 12 mai 2010 (L. n° 2010-476, 12 mai 2010). Le PMU a toutefois conservé son monopole sur la prise de paris hippiques en point de vente physique, dit aussi « en dur ».
 
Les pratiques en cause  
 
En 2014, l’Autorité de la concurrence a été saisie par la société Betclic dénonçant la pratique du PMU qui consistait à mutualiser les mises enregistrées en ligne et celles enregistrées « en dur ».
 
Par cette pratique, il était reproché au PMU de renforcer l’attractivité de son offre de paris hippiques en ligne en la faisant bénéficier des ressources du monopole « en dur », les mises y étant dix fois supérieures à celles enregistrées en ligne.
 
Concrètement, cette mutualisation des masses offrait au PMU la possibilité d’absorber les mises des joueurs, même importantes, sans faire baisser la cote du résultat joué. En revanche, les opérateurs alternatifs de paris en ligne étaient obligés de fixer des limites basses aux mises de leurs parieurs, afin de s’assurer qu’elles ne feraient pas s’effondrer les cotes des chevaux.
 
Les engagements pris par le PMU en 2014
 
Afin de répondre aux préoccupations concurrentielles identifiées, le PMU s’est engagé auprès de l’Autorité de la concurrence à procéder à une séparation effective de ses masses d’enjeux « en dur » et en ligne avant le 30 septembre 2015.
 
Les engagements auxquels le PMU a souscrits avaient pour objectif de l’empêcher d’utiliser les ressources issues de son monopole légal « en dur » afin de proposer à ses clients une meilleure offre en ligne, au détriment des opérateurs alternatifs. L’Autorité a accepté et a rendu les engagements obligatoires par la décision n° 14-D-04 en date du 25 février 2014.
 
Par ailleurs, après la publication de cette décision d’engagements, l’opérateur Betclic a engagé une action en réparation contre le PMU auprès des juridictions civiles. Après avoir caractérisé une pratique anticoncurrentielle résultant de la mutualisation des masses d’enjeux, les juges ont confirmé que les décisions d’engagements des autorités de concurrence nationales n’exemptent pas l’entreprise ayant pris ces engagements de poursuites judiciaires (CA Paris, 12 sept. 2018, n° 18/04914). Il s’agit de la première décision nationale adoptée conformément à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne permettant les actions indemnitaires de concurrence après la souscription d’engagements (CJUE, 23 nov. 2017, aff. C-547/16, Gasorba SL c/ Repsol).
 
Le non-respect par le PMU de ses engagements
 
En 2017, considérant que les engagements du PMU n’ont pas été respectés, les opérateurs de paris en ligne Betlic et Zeturf ont saisi l’Autorité de la concurrence. Précisément, la saisine visait la mutualisation des masses d’enjeux du PMU dans le cadre des paris portant sur des courses étrangères.
 
Le PMU dispose de partenariats de « masse commune » avec des opérateurs étrangers lui permettant de commercialiser, en France, certains types de paris sur des courses étrangères. Ainsi, dans le cadre d’un tel accord, l’opérateur étranger fusionne ses propres masses d’enjeux avec celles du PMU, aussi bien celles enregistrées en ligne qu’« en dur », en une masse unique afin de déterminer les gains des parieurs.
 
Le PMU ne contestait pas le fait que cette fusion de masses permettait aux joueurs en ligne de bénéficier des masses d’enjeux collectées en dur par le PMU. Toutefois, retenant une interprétation stricte de la décision n° 14-D-04 de l’Autorité de la concurrence, il n’admettait pas que cette fusion des masses d’enjeux issues des courses étrangères contrevienne à ses engagements, les courses étrangères n’ayant pas été explicitement visées dans l’engagement ni analysées par l’Autorité dans sa décision précitée.
 
L’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), bien que se déclarant incompétente pour interpréter la décision de l’Autorité de la concurrence, considérait quant à elle que « l’engagement pris par le PMU de séparer ses masses d’enjeux couvrait l’ensemble des courses […], qu’elles soient françaises ou étrangères, qu’elles fassent l’objet d’une mutualisation avec des opérateurs étrangers ou non » (ARJEL, avis n° 2018-A-001, 8 nov. 2018).
 
Aux termes de sa décision, l’Autorité de la concurrence précise que l’engagement pris par le PMU était général et n’excluait pas les courses étrangères. Ainsi, l’Autorité condamne le PMU à une sanction pécuniaire de 900 000 € pour ne pas avoir respecté son engagement de séparer ses masses d’enjeux commercialisées « en dur » et en ligne pour les courses étrangères.

Par David Boucher et Audrey Chadly, étudiants du Master Droit et régulation des marchés de l’Université Paris-Dauphine
Source : Actualités du droit