La garantie d'actif et de passif (GAP) : définition, limites, clauses, fiscalité...

L’acquisition d’une société demeure une opération délicate pour le cessionnaire.

Ce dernier supporte en effet le risque de la survenance d’un passif inattendu ultérieurement à la cession.

Le droit commun étant peu protecteur à ce sujet, il est courant que les cessions de titres de société soient accompagnées d’une clause de garantie d’actif et de passif

Avec la garantie d’actif ou de passif, la fameuse GAP, le vendeur s’engage à indemniser l’acheteur si l’actif diminue ou si le passif augmente après la cession, mais pour une ou plusieurs causes elles-mêmes antérieures à cette cession.
Cet acte protège le repreneur d’actifs surévalués ou de dettes dissimulées mais la négociation sur les termes de cette GAP peut être source de tensions entre le cédant et le repreneur.

1- Les aspects juridiques de la garantie d’actif et de passif

1.1 Objectifs et définition

L’acquisition de droits sociaux (actions d’une SA, parts d’une SARL…), afin de prendre le contrôle d’une société, peut présenter certains risques.

En effet, il y a le passif que l’on voit et celui qui peut ne pas être connu au jour de la cession, mais qui pourtant reste imputable à la gestion du cédant.

De même, il peut y avoir des actifs que l’on croyait exister mais qui se révèlent être d’une valeur moindre ou encore être absents de la cession.

Or tous ces imprévus entraînent une diminution de la valeur de la cible acquise et il convient de compenser cette dévaluation patrimoniale.

Une convention de garantie d’actif et de passif permet de sécuriser la transmission d’une entreprise en garantissant la situation de celle-ci au jour de la cession.

En effet, les moyens offerts par le droit commun de la vente (garantie de conformité et vices cachés) se sont révélés insuffisants pour une protection correcte du repreneur.

La convention de garantie d’actif et de passif conclue entre les parties vient alors souvent s’ajouter aux garanties légales.
Cette convention fait l’objet d’une négociation entre les parties et s’annexe généralement au protocole d’accord.

Le cédant garantit l’acquéreur de la sincérité des comptes qu’il présente.

Le cédant  garantit aussi que de nouveaux passifs ne devraient pas se révéler, auquel cas il devra les prendre en charge, s’ils ont leur origine antérieurement à la cession.

Le cédant peut garantir la présence effective et la valeur des actifs de la société cédée, ainsi, si une diminution des actifs en question apparaît, alors il devra prendre en charge le différentiel.

Le repreneur bénéficie par ce biais d’une sécurité quant à la situation de l’entreprise cédée.

Les clauses dites de garantie de passif ont pour finalité d'assurer la bonne fin de la prise de contrôle de la société.
En substance, la garantie a pour objet de faire supporter au vendeur tout à la fois le passif supplémentaire et l'insuffisance d'actif qui surviennent après la cession et dont la cause est antérieure à celle-ci.

1.2- L’objet de la garantie


La garantie de passif est l’expression la plus usitée mais elle peut recouvrir des réalités différentes, à savoir :

  •  Une garantie de passif pure et simple, où le cédant ne s’engage à ne couvrir que les passifs qui pourraient se révéler après la cession alors même qu’ils ont leur origine antérieurement à celle-ci.
Exemple : L’acquisition d’une société demeure une opération délicate pour le cessionnaire. Ce dernier supporte en effet le risque de la survenance d’un passif inattendu ultérieurement à la cession.

  •  Une garantie de passif et d’actif : ici, en plus de garantir l’éventuelle apparition de passifs, le cédant garantit les éventuelles diminutions d’actifs ou défauts d’actifs.
Exemple : Stock invendable, créances clients impayées ou litigieuses dont l’origine est antérieure à la cession.

  •  Une garantie d’actif net : ce type de garantie bénéficie aussi au cédant. En effet, elle a pour finalité de contrebalancer les pertes subies par le repreneur avec les éventuels compléments d’actif.
Exemple : Déduction de l’économie d’impôt que le passif a permis, une provision avait été constituée avant la cession mais elle est finalement reprise car elle est dépourvue d’objet.

1.3- Les limites pouvant être apportées à cette garantie


Le cédant peut apporter certains aménagements à la garantie qu’il octroie au repreneur afin de ne pas être indéfiniment tenu.
En voici les illustrations les plus courantes :

  • Un seuil de déclenchement en deçà duquel il ne sera pas possible d’appeler le cédant en garantie. Cependant, une fois le seuil dépassé, il y aura indemnisation dès le premier Euro.
  • Une franchise: somme qui sera systématiquement à la charge du repreneur. Il peut y avoir une franchise mais qui n’est jamais très élevée. L’objectif est de ne pas perdre de temps avec des préjudices d’un faible montant. Dans la plupart des cas, il est instauré un seuil de déclenchement, c’est-à-dire qu’en dessous d’un passif d’un certain montant, on ne réclamera rien. Au-delà, le déclenchement de la GAP se fait.Il est possible de convenir d’un seuil de déclenchement plus une franchise par passif.
  • Un plafond de garantie : de manière générale, il est fortement recommandé de limiter le montant des sommes qui pourraient être reversées par le cédant ; « le plafond » s’exprime généralement sous la forme d’un pourcentage du prix. Le plafond sera notamment déterminé en fonction du niveau de risque de l’activité. Par exemple, dans le bâtiment, il peut y avoir beaucoup de contentieux, généralement, il y aura  un plafond avec des exceptions.
  • Une dégressivité du montant dans le temps peut aussi être mise en place. En effet, les risques, le temps passant, disparaissent d’eux-mêmes, à savoir les clients règlent, les fournisseurs sont payés, les stocks sont vendus.
  •  Une durée déterminée à cette garantie: Généralement entre 2 et 3 ans mais en matière fiscale, et sociale, on s’aligne la plupart du temps sur les prescriptions légales en la matière (3 ans ou 5 ans).

1.4- Les précautions à prendre par d’autres clauses

D’autres clauses peuvent utilement accompagner une cession d’entreprise.

1.4.1 Clauses au bénéfice du repreneur:

  • Clause de non-concurrence: clause octroyée par le cédant au profit du repreneur. (Durée, espace et champ d’application à définir).

  • Garantie de chiffre d’affaire ou de rentabilité : Dans ce cas, le niveau d’engagement du cédant est plus élevé, car il ne garantit pas seulement la sincérité des comptes mais il garantit en plus la pérennité de la société. Il garantit que la société aura la même valeur économique dans les X mois/années à venir. Cette clause peut aussi se révéler dangereuse, car le cédant ne dispose plus de la maîtrise de l’activité et des comptes.
  • Clause d’earn-out permettant d’intéresser le cédant aux résultats bénéficiaires de la cible dans un laps de temps défini après la cession. Là encore cette clause peut se révéler risquée pour le cédant.

1.4.2 Clause au bénéfice du vendeur:

  • Garantie de paiement pour la partie du prix payable immédiatement : Il est nécessaire d’exiger un paiement à la date de la cession. En aucun cas, il ne faut procéder à l’ordre de transfert des titres sans être en possession d’un chèque de banque ou sans avoir constaté que le virement a été dûment effectué et que le compte est crédité.
Pour la partie du prix payable à terme : une garantie de paiement est indispensable. Le cautionnement bancaire est la garantie la plus utilisée dans ce cas de figure.

Information de la survenance du fait susceptible d’être couvert dans le délai de la garantie sans quoi il y aura déchéance du droit à garantie. (Lettre Recommandée AR)

Prévoir que le cédant puisse être associé à la conduite d’une procédure contentieuse ou d’un éventuel règlement amiable.
Prévoir à quel moment la somme sera exigible.

1.4.3 Clauses profitables aux deux parties:

  • Le règlement des litiges: le tribunal compétent est en principe celui du lieu du domicile/siège social du défendeur (celui contre qui l’affaire est engagée).
La cession de contrôle d’une société (à l’opposé d’une simple cession d’actions ou de parts sociales) revêtant un caractère commercial, les Tribunaux de Commerce sont donc les juridictions compétentes. De plus, en matière commerciale les parties peuvent désigner dans leur contrat, une juridiction particulière qui sera compétente pour juger leurs éventuels litiges ultérieurs.

  •  La clause attributive de compétence: Les parties s’en remettent toujours aux juridictions étatiques (coût moindre) mais elles peuvent désigner celle qui sera compétente.
  • La clause d’arbitrage et la médiation: Dans le cadre d’un arbitrage, des professionnels vont trancher le litige en faveur de l’une des parties ; Cette procédure présente l’avantage de la confidentielle et de la rapidité mais reste onéreuse. Dans le cadre de la médiation, les parties trouvent elle-même une solution à l’indemnisation du passif, avec l’aide d’un médiateur. Cette procédure est moins coûteuse que l’arbitrage.   

Prévoir la substitution du repreneur à tous les cautionnements, garanties et avals qui ont pu être octroyés par le cédant pour des contrats nécessaires à la poursuite de l’exploitation.

Définition d’une procédure spécifique de mise en œuvre de la garantie sous peine de déchéance (c’est à dire que le non respect de la procédure par le repreneur le privera du droit de se prévaloir de la garantie):


1.5 – La garantie de  la garantie d’actif et de passif.

Il est fortement conseillé au repreneur d’exiger une contre-garantie de la part du cédant, qui garantira la garantie, celle-ci pouvant revêtir plusieurs formes:

  •  Le séquestre:   La mise sous séquestre consiste à déposer auprès d’un tiers notamment sur le compte séquestre auprès de la CARPA d’un avocat une partie du prix de vente, qui par là même, devient indisponible jusqu’à l’expiration de la garantie.
  • Les garanties bancaires : Elles  prennent généralement la forme de sûretés personnelles, telles qu’une caution bancaire ou une garantie à première demande.
Ce type de sûreté est tout à l’avantage du repreneur, car elle est aisée à mettre en œuvre.
En ce qui concerne le cédant, il devra fournir des garanties à la banque (ex : immobilisation d’une partie du prix reçu, portefeuille de titres en garantie…) qui ne lui permettront pas de disposer immédiatement de la somme reçue en règlement de la cession.

  • Les sûretés réelles:   L’hypothèque ou le nantissement sont les principales.
Cependant le cédant  ne sera pas toujours prêt à l’octroyer car le plus souvent elle grèvera ses biens personnels. De plus, du point de vue du repreneur, une telle sûreté requiert une procédure assez lourde pour sa mise en œuvre.

  • La souscription d’une assurance garantie de passif:   Il existe deux types de police, celle du vendeur et celle de l’acheteur.
Les deux polices se règlent le plus souvent par le paiement d’une prime unique lors de la souscription de l’assurance. L’assurance vendeur évite l’immobilisation d’une partie du prix de cession. En ce qui concerne la police de l’acheteur, elle lui garantit une indemnisation certaine et facilitée.

2- Les aspects fiscaux de la clause de garantie de passif

2.1 Les aspects fiscaux pour le bénéficiaire de la garantie

Le problème est ici de déterminer les conséquences fiscales de la perception de l’indemnité pour le bénéficiaire. Les indemnités perçues sont elles imposables ?
Lorsque le bénéficiaire est la société cible, les sommes versées constituent des indemnités imposables.
Le bénéficiaire désireux de ne pas être imposé a intérêt à rédiger une clause de révision du prix. Ce type de clause, qui influe directement sur le prix de cession, n’est pas imposable pour le bénéficiaire.

2.2 Les aspects fiscaux pour le garant


La question est ici de savoir si une entreprise garante peut déduire de sa base imposable les sommes versées sur le fondement d’une garantie de passif.

Lorsque le garant est une entreprise, cette dernière ne peut pas déduire de sa base imposable les indemnités versées au titre de la garantie de passif.

Remarque: L’entreprise garante pourrait déduire les sommes versées dans le cadre d’une clause de révision de prix.
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3. La plus-value de l’Avocat en matière de garantie d’actif et de passif


La rédaction d’une garantie d’actif et de passif doit faire l’objet d’une rédaction minutieuse en vue de prévenir ses effets juridiques et fiscaux et notamment sa mise en œuvre qui peut être source de difficultés.

La fiscalité permet d’avantager l’une ou l’autre des parties en optant pour une garantie de passif stricto sensu (de type indemnitaire) ou une clause de révision de prix.

D’où l’importance d’être assister et conseiller par un avocat en droit des sociétés dans la rédaction de la garantie d’actif et de passif afin d’éviter une multitude de difficultés post-cession d’entreprise

Me Marie-Pierre JABOULEY, Avocat à Paris,  vous apportera son expertise dans cette matière.