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PJL d’urgence pour faire face au Covid-19 : ce que prévoit le texte voté par le Sénat en faveur des entreprises

Affaires - Commercial, Sociétés et groupements
20/03/2020
Contrat, droit des sociétés, procédures collectives. Le point sur le contenu du projet de loi adopté par le Sénat le 19 mars 2020, en procédure accélérée.
Le délai d’examen a été très rapide. Passage en commission des lois et vote dans la même journée. Le Sénat a ainsi adopté a une large majorité (252 voix pour et 2 contre) dans la nuit du 19 au 20 mars, en première lecture, le projet de loi permettant l'instauration d'un état d'urgence sanitaire face à l'épidémie de Covid-19 (TA Sénat n° 76, 2019-2020).

Quelques chiffres :
  • le projet de loi contenait initialement 11 articles ; il en compte désormais 20 ;
  • commission des lois : 70 amendements déposés ; 36 amendements adoptés ;
  • séance publique, 110 amendements déposés, 42 amendements adoptés.

Une grande partie des modifications adoptées par la commission des lois du Sénat et en séance publique concernent le fonctionnement des collectivités publiques, la mise en place de l’état d’urgence sanitaire et les élections municipales. Avec trois autres précisions importantes :  
Sur le volet de soutien aux entreprises prévu principalement à l’article 7 du projet de loi Urgence Covid-19, très peu de modifications par rapport au texte initial (18 amendements adoptés sur cet article 7), malgré de vives discussions autour des modifications du droit du travail (notamment les dispositions qui prévoient que les employeurs peuvent imposer la prise d'une partie des congés payés et ce, dans la limite de six jours ouvrables, TA Sénat n° 76, 2019-2020, art. 7, I ; 1°, b), 3e alinéa).
 
Contrat.– L'article 7, I, 2°, b) met en place un moratoire sur tous les délais dont le terme échoit pendant la période de l’état d’urgence sanitaire.
 
Concrètement, il prévoit que le gouvernement peut prendre une ordonnance « adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ».
 
Deux précisions importantes sur les délais :
  • l’ordonnance aura une portée rétroactive au 12 mars 2020 ;
  • ce moratoire ne pourra excéder plus de trois mois après la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement liées au Covid-19.
 
« Le champ d'application de cette disposition « balai » se veut volontairement large, relève de Philippe Bas dans son rapport (Doc. Sénat n° 381, 2019-2020). Toutes les matières sont visées, qu'il s'agisse de l'administratif, du civil, du commercial, du social ou encore du pénal, sans que cette liste ne soit exhaustive ».
 
Un amendement rédactionnel est venu rectifier le texte initial, en supprimant de l’habilitation la possibilité de prévoir la « cessation d’une mesure » (TA AN, n° 376, 2019-2020, amendement n° COM-12).
 
Procédures collectives.– C’est cette fois l’article 7, I, 1°, d qui habilite le Gouvernement à modifier le droit des procédures collectives pour les entreprises qui seraient en difficulté en raison de la crise sanitaire actuelle.
 
Le champ de l’habilitation ratione materiae est assez large, puisqu’il porte sur les mesures « modifiant le droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté afin de faciliter le traitement préventif des conséquences de la crise sanitaire ».
 
Le directeur des affaires civile et du sceau a pour sa part adressé une circulaire le 18 mars 2020 pour organiser les procédures et mesures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises et les audiences de référé devant le président du tribunal de commerce. Dans la continuité du projet de loi Urgence, elle prévoit que « l’ouverture de nouvelles procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne paraît pas, en principe, relever de l’urgence et se révélerait inutile et inefficace compte tenu des moyens disponibles limités pour mettre en œuvre ces procédures ». Étant précisé que « ne relèvent pas davantage des procédures urgentes le traitement des requêtes aux fins de désignation d’un conciliateur ».
 
En revanche, cette circulaire précise que :
  • la désignation d’un mandataire ad hoc peut être mise en œuvre dans le respect des mesures de protection sanitaire ;
  • le tribunal peut statuer sur des plans de cession, en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, lorsque ceux-ci peuvent avoir une incidence significative sur l’emploi ;
  • le tribunal peut statuer également sur l’homologation des accords de conciliation.
 
Enfin, ce texte renvoie au site de l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances de salaires (AGS), qui a diffusé des informations sur la gestion de cette crise sanitaire, indiquant qu’elle adaptera ses procédures de versement des avances.
 
Droit des sociétés.– L’objectif de l’ordonnance prévue à l'article 7, I, 2°, f est double : permettre le report ou la poursuite éventuelle par voie dématérialisée des assemblées générales ou réunions des organes dirigeants des personnes morales de droit privé et assouplir les règles d'approbation des comptes (TA AN, n° 76, 2019-2020, article 7, I, 2°, g).

Initialement réservé aux personnes morales de droit privé, le Sénat a étendu l’habilitation aux « autres entités » (TA Sénat n° 76, 2019-2020, amendement n° 85). Dotés d’assemblées et d’organes qui se réunissent de manière collégiale, ces entités non dotées de la personnalité morale doivent également pouvoir continuer à délibérer. Une nécessité, dès lors que souvent ce sont les statuts qui déterminent les règles qui leur sont applicables. Or, l’état de crise sanitaire rend parfois nécessaire d’y déroger aussi bien pour les délibérations des organes dirigeants et des assemblées qu’en matière d’obligations comptables.

Autre précision de cet amendement (TA Sénat n° 76, 2019-2020, amendement n° 85), un renvoi plus larges aux règles relatives au droit des sociétés en matière de tenue des assemblées et non pas seulement au droit des sociétés (ce qui ne vise donc pas les statuts).

Précisons, enfin que sur amendement du gouvernement, le Sénat a étendu aux associations le champ d’application des ordonnances visant à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales dans le cadre de la crise sanitaire liés au Covid-19 (TA Sénat n° 76, 2019-2020, amendement n° 66 rect.) 
Ce texte doit maintenant être examiné le vendredi 20 mars par l'Assemblée nationale. Avec deux possibilités :
  • une adoption conforme par l’Assemblée nationale, auquel cas le texte sera définitivement adopté ;
  • si l’Assemblée nationale amende ce projet de loi, une commission mixte paritaire devra se tenir.
Le Gouvernement aura trois mois, à compter de la publication de la loi, pour prendre ces ordonnances de l’article 7. Et un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
 
 
Source : Actualités du droit